Devez-vous vous entraîner pour progresser en escalade ?

Voilà une interrogation bien légitime. Entre autres, le but de ce site est justement d’y répondre. 

En tout premier lieu, il convient donc de distinguer s’il faut, ou non, s’entrainer

La réponse est bien évidemment non. Si la simple pratique de l’escalade vous suffit, que votre niveau vous convient, que vous ne vous sentez pas limité dans votre pratique et que cela ne vous pose pas de problème, passez votre chemin ! Si vous voulez progresser et êtes prêt à faire des sacrifices drastiques (arrêter l’alcool, manger des graines et respirer de la magnésie 8h/ jour), ce site est fait pour vous (c’est faux et pas marrant, mais c’était trop tentant). 

Que les choses soient claires : l’entrainement n’est pas une fin en soi, c’est un complément. Vous pouvez très bien réussir à grimper un niveau fort convenable avant de commencer à vous entrainer (j’ai fait mon premier 8a avant de savoir me servir d’une poutre) MAIS il va être plus difficile de ne pas vous blesser et d’être bon dans tous les styles, tout le temps (et pas uniquement dans votre spot fétiche où vous pouvez vous permettre de mettre des milliers d’essais dans votre projet ultime puisque c’est au coin de la rue).

Ce site a l’ambition de vous aider à être meilleur sur le rocher, pas uniquement plus fort…

Cette volonté de progression demande d’être à même d’identifier ses limites et donc d’accepter de sortir de sa zone de confort, ce que certaines personnes refusent (et c’est probablement très bien ainsi).

Pour les autres, de nombreuses variables étant responsables de la performance en escalade, il va être crucial d’individualiser votre entrainement, d’identifier et de travailler ces freins. Ainsi le programme d’entrainement le plus adapté (pour vous) se concentrera sur vos limites, qu’elles soient d’ordre mental, physique ou psychologique. Ce qui marche pour certains ne fonctionnera pas forcément pour vous, et vice versa. 

Comme exposé en introduction, bien que les compétences techniques et mentales soient cruciales en escalade, il est un moment inévitable où cette limitation sera d’ordre physique. 

« La volonté de s’améliorer est partagée par beaucoup d’entre nous, que ce soit par caractère ou par éducation, et c’est une chose positive. Certains, cependant, ont besoin de se mesurer dans une forme de compétition où ils cherchent à avoir le dessus, à gagner même s’il s’agit d’éplucher des patates. D’autres, en revanche, cherchent seulement des motivations pour avancer : la conscience d’avoir atteint un objectif est plus que suffisante. »

Maurizio Zanolla, « Nous étions immortels », éd. du Mont Blanc

Alors pourquoi s’entrainer ?

Pour répondre simplement, parce que cela fonctionne ! En s’y intéressant un minimum, en suivant quelques règles de base et en étant appliqué, l’entrainement est un énorme gain de temps.

Comprenez bien que faire une séance de bloc par-ci par-là ne suffira pas à vous faire progresser en force. Plutôt que d’aller plusieurs fois par semaine à la salle faire n’importe quoi, en faisant des séances spécifiques et ciblées (et donc relativement courtes), vous allez servir votre objectif de départ : la progression. Dans les faits, vous devriez passer moins de temps à raser et à râler sur le caillou, et plus de temps à vous amuser (et probablement aussi à enchainer).

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Rapide digression sur les « cotations » : ce n’est pas le moment de parler de la subjectivité de celles-ci, mais considérons que votre niveau maximum pour l’exemple ci-dessus (et dessous) est celui atteignable en toute autonomie en escalade sportive, dans un temps relativement restreint. Si vous êtes, par exemple, capable de grimper dans le 7a en moulinette mais que de vous-même vous n’iriez jamais poser les dégaines dans une voie de cette difficulté, considérez que votre niveau max n’est pas 7a (et que vous auriez peut-être davantage à gagner en développant des qualités mentales que physiques). Si votre pratique de prédilection est le bloc, considérez une différence de 4 cotations entre bloc et falaise (ex : 6C bloc ≈7b falaise).

« Qu’est-ce qui compte vraiment quand nous relevons un défi ? Ce que nous apprenons. Vous avez besoin de vous mettre à l’épreuve, de sortir de votre zone de confort et de voir ce dont vous êtes capable. Votre véritable but n’est pas de conquérir les quinze mètres d’un rocher inanimé, mais de développer vos aptitudes par l’apprentissage. »

Arno Ilgner, « La voie des guerriers du rocher »

Grimpeur/euse débutant ou enchainant des voies de difficulté <6b

Il est trop tôt pour se lancer dans un entrainement spécifique, c’est une perte de temps. À ce stade, il est clairement plus intéressant de se focaliser sur le développement des qualités motrices et d’un répertoire gestuel varié. Apprenez à poser efficacement vos pieds, à vous placer, à clipper etc. L’entrainement physique n’est pas la voie prioritaire à emprunter pour progresser : il y a tout à apprendre sur le plan gestuel. C’est d’ailleurs la priorité absolue de tous les débutants : développer des habiletés de mouvement.

Il faut donc grimper dès que possible, sur tous les supports, dans tous les styles, éviter au maximum la moulinette (non, ce n’est pas une légende, on peut apprendre à grimper dehors en grimpant uniquement en tête) afin de se mettre de suite dans des dispositions mentales optimales à la poursuite de l’activité en toute autonomie, et ainsi démystifier la chute (quoique parfois bien pratique, la canne à pêche pour clipper les points en falaise ne fera pas de vous quelqu’un d’« autonome »…).

A contrario, si vous devenez physiquement trop fort, trop tôt, vous développerez de mauvaises habitudes de mouvement en résolvant par la force plutôt que par votre habileté technique les contraintes d’une voie ou d’un bloc, ce qui sera un frein à votre progression future (les voies plus difficiles ne le sont pas que physiquement, les capacités techniques requises augmentent elles aussi avec la hausse de la difficulté).


Grimpeur/euse novice enchainant des voies entre 6b et 7a

Il est possible de s’orienter doucement vers l’entrainement, mais plutôt en cherchant à structurer intelligemment sa pratique. Dans votre cas cela va consister en un développement privilégié de vos qualités gestuelles, et ce en abordant tous les styles d’escalade et de voies avec le même appétit et la même curiosité. Pour obtenir le Goncourt, mieux vaut d’abord apprendre à écrire… 

Cherchez à augmenter votre volume d’escalade, pas forcément son intensité. En parallèle vous pouvez travailler votre souplesse, vos muscles antagonistes et stabilisateurs, votre gainage etc. 

Comme le souligne Mark Anderson, l’argument qui voudrait que les tissus conjonctifs de vos mains et avant-bras ne seraient pas encore en mesure de supporter le stress d’un entraînement régulier et que cela vous entrainerait assurément sur le chemin de la blessure, mérite d’être discuté. En effet, ce que l’on désigne ici par « stress » n’est rien d’autre que le volume d’activité (couplé à son intensité et à sa durée) par rapport au temps de récupération. Ces variables sont bien plus facilement contrôlables dans un plan d’entrainement structuré que lors de séances aléatoires. En réalité et lorsqu’il est correctement abordé, l’entraînement peut réduire les risques de blessures !


Grimpeur/euse confirmé enchainant des voies entre 7a et 7c/8a

Grimpeur-euse accompli(e), vous savez plutôt bien poser vos pieds, vous placer, engager la viande au dessus d’un point, trouver les méthodes dans une voie complexe (et vous en rappeler…) etc. 

Ici se trouve le profil type de personne qui bénéficiera le plus d’un entrainement intelligemment pensé, puisque les bases techniques sont déjà correctement posées.


Grimpeur/euse expert enchainant des voies dont la difficulté est >7c/8a

Il est probable que l’entrainement fasse déjà partie de votre quotidien (ou vous êtes particulièrement doué, ça arrive et c’est une chance)… 

Ce n’est pas pour autant que vous ne pouvez plus progresser, que ce site n’a rien à vous apprendre ou que vous ne pouvez pas améliorer vos séances ou vos planifications (améliorer peut aussi vouloir dire en faire moins pour le même résultat). Apprenez à vous entrainer sans vous blesser, pensez à varier stimulus et protocoles au cours des saisons et de saison en saison pour éviter au maximum la phase de « plateau ».

À partir d’un certain niveau physique et technique, il peut être intéressant de revoir votre entrainement et d’y réfléchir autrement (par exemple au travers des différents systèmes énergétiques mis en jeu, et de leur importance respective) mais aussi d’y incorporer certaines facettes d’une importance cruciale pour la performance de haut-niveau (préparation mentale, mobilité, styles de vie, etc.).


Quelques règles de base, quel que soit votre niveau :

Être majeur(e), en correcte santé physique, et avoir un carnet de vaccination à jour…

Encore une fois, la progression en escalade étant un processus multifactoriel dépendant de paramètres physiques, psychologiques et moteurs, tout le monde peut s’entrainer, du débutant à l’expert. La distinction va s’opérer selon plusieurs critères : type d’entrainement, volume, intensité. Notons ici qu‘il existe une règle d’or commune à tous les niveaux, celle de ne pas se blesser.

Progresser physiquement en escalade est à la portée de tous, progresser de manière linéaire, continue, sans se blesser demande méthode, patience et régularité. Il y a bel et bien une différence entre être fort et être meilleur…