La peur de la chute

La peur de la chute en escalade est une émotion qui affecte TOUS·TES les grimpeurs·euses

C’est un réflexe tout à fait rationnel, c’est lui qui vous permet de rester en vie à chaque fois que vous grimpez. En revanche, de nombreuses peurs sont irrationnelles, et ce sont elles qui vont venir dérégler votre état mental, et donc vos performances. 

Le problème de la peur de la chute est lié à notre attention et à notre concentration. Vous ne pouvez pas vous concentrer au-delà de 100% (il y a une limite au nombre de cafés matinaux…) et donc vos peurs vont vous distraire et ainsi occuper une partie de votre attention. En conséquence, votre attention sera portée sur autre chose que vos mouvements et leur réalisation, et votre performance globale va en payer les frais.

Si vous diminuez la peur de la chute vous allez donc automatiquement augmenter vos chances de réussite !

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« La crainte du danger est mille fois plus terrifiante que le danger présent. »

Daniel Defoe


Risques objectifs vs risques subjectifs

Il faut être capable de distinguer risques objectifs (escalade en trad, rocher douteux, chute de pierres, équipement désuet etc.) et risques purement subjectifs. La prise de risque doit être consentie et acceptée, c’est ce qui permet l’acceptation du « vol ». Rappelez-vous que prendre votre voiture pour aller grimper est bien plus dangereux que  l’escalade en elle-même…

Pour illustrer la subjectivité de nos peurs, prenons l’exemple de sauter un point dans une voie sportive déversante. Sauter un ou plusieurs points en haut de cette voie, c’est se soumettre à un risque purement subjectif (vous aller faire un gros trou dans l’air). Néanmoins, sauter le premier ou second point serait une idée stupide : c’est le retour au sol assuré.

« Dans un premier temps, les comportements typiques de peur se manifestent dans la posture et la motricité : arrêt de la progression, crispation générale du corps, du visage et du regard. Dans une ampleur plus modérée, on observera des placements (…) évitant les mouvements de conduits et de jeté dont l’incertitude est plus grande. Enfin, la peur de l’échec génère des indicateurs plus discrets comme des « zippettes » (…) et des « claquetages » de prises (mouvement de saisie mal ajusté ne permettant pas aux doigts de se positionner correctement (…). »

 
Revue EPS, nov/déc 2016, p. 66-71.


Cette peur ne se dépasse pas, mais il faut apprendre à la gérer

Ainsi, si vous êtes sujet à la peur de la chute, il n’y a pas de meilleure école que la pratique. Certes, vous allez devoir faire face à ce qui est probablement une des sensations les plus désagréables liées à l’escalade, et il va falloir accepter de sortir de votre zone de confort pour apprendre à la dominer. Mais le jeu en vaut la chandelle. Ici, on parle bel et bien d’un investissement sur le long terme…

La chute en escalade est une compétence qui ne doit pas être différenciée de la pratique, au même titre que votre pose de pied ou votre précision de mouvement par exemple. Ce qui veut dire aussi que cela se travaille, et s’améliore !

Évitez d’évoluer en moulinette (même si cela peut vous paraître confortable, en vous empêchant d’expérimenter la chute, cette habitude est et sera un frein à votre évolution future), prenez une voie où les risques objectifs sont moindres, un ou une assureuse en qui vous avez confiance, vérifiez la bonne mise en place du système d’assurage et votre nœud, et pratiquez !

Allez plus loin que « l’école de vol ». Bien souvent, celle-ci est mal vécue, car ces chutes sont forcées. Il en résulte inconfort, stress et tension élevée, et de fait une peur de voler encore plus grande. Parallèlement, vous n’êtes pas relâché puisque vous « subissez » le vol, et les risques de blessures sont donc réels !

Au contraire, vous devez certes pratiquer, mais aussi (et surtout) accepter la chute. Grimpez, essayez et tombez si nécessaire. Plus vous expérimenterez de chutes, plus vous démystifierez ces dernières, et plus votre cerveau créera des connections neuronales qui feront petit à petit de la chute une habitude, un automatisme.

« La sécurité et le confort (…) ne sont pas des états objectifs. Il s’agit de sentiments subjectifs qui apparaissent lorsque notre compréhension du monde et de nos capacités augmente. En bref, c’est en étendant notre zone de confort que notre sentiment de sécurité et de confort grandit. Or, pour l’étendre, il nous faut nous aventurer dans des territoires plus risquées, faire face brièvement à une situation pénible et incertaine afin de savoir ce dont nous sommes capables. Le confort et la sécurité ne sont pas directement atteignables, il nous faut emprunter un chemin détourné. »

Arno Ilgner, La Voie des guerriers du rocher.


Fly baby, fly…

Quand vous montez pour la première fois dans une voie, il est naturel d’avoir peur. Vous ne savez pas où sont les prises, si elles sont bonnes ou non, quels mouvements faire pour vous déplacer, si vous allez trouver une position confortable pour clipper etc. Vous voilà face à une situation inconnue qui, de fait, est inconfortable. Ceci n’est pas propre à l’escalade, vous avez vécu et allez vivre bien d’autres évènements similaires tout au long de votre vie…

Parallèlement, et c’est bien malcommode, vous pouvez difficilement concevoir à quoi va ressembler une chute à ces endroits. Consentir à tomber aux endroits clefs où vous n’êtes pas à l’aise (lorsque ce n’est pas dangereux bien sûr) va vous faire comprendre que votre peur est irrationnelle. Inconsciemment, celle-ci va décroître, puisque la pratique vous aura prouvé que les risques objectifs sont moindres.

Ne vous contentez pas d’une chute par-ci par là, ce sont des centaines de chutes qui vont progressivement permettre de fortifier votre esprit et votre confiance. N’ayez pas peur d’expérimenter certains « vols » des dizaines de fois par séance !

fly baby, fly…

La respiration est une autre technique qui va vous aider à réduire votre stress. En diminuant votre rythme cardiaque, vous allez être à même de juger ces situations de risque d’une manière plus sensible et rationnelle.

Pour aller plus loin : « Risques perçus et apprentissage moteur », Didier Delignières