Souplesse et mobilité

La souplesse est un très bon investissement à faire en terme de progression, peut-être même le meilleur en terme de facilité…

Si vous êtes incapable de vous reposer, considérez cela comme l’activité de jour de repos par excellence (si si, même plus que de regarder des vidéos de grimpe).

Il est probable que vous connaissiez déjà les bienfaits des étirements (mais vous préférez les ignorer…)

Vous allez travailler votre amplitude de mouvements et développer un relâchement musculaire (mais non, il semble que vous n’allez pas prévenir les blessures ou diminuer vos courbatures après un effort – c’est un mythe 1 ). Plusieurs études relativisent la croyance stipulant que les étirements aideraient à la récupération (physique) 2. Rassurez-vous, 30 minutes à 1h de calme où vous allez être à l’écoute de votre corps ne sera pas inutile pour autant : la récupération est aussi un processus mental…

Quoi qu’il en soit, des doigts forts, un zeste de gainage et une souplesse développée sont une association qui fait des merveilles sur le caillou. Vous allez ouvrir encore davantage votre répertoire gestuel ; les possibilités en terme de choix de pieds vont être amplifiées, et qui pousse plus fort sur les pieds… tire moins sur les doigts.


Le haut du corps n’a pas forcément besoin d’être excessivement souple : vous allez surtout vous étirer pour favoriser la récupération, relâcher les tensions musculaires et éviter d’être raide comme la justice, ce qui n’est pas rien.

En revanche le bas du corps va être le sujet de bien des attentions (notamment votre ouverture de hanches et de bassin), car c’est là qu’il y a d’énormes gains à réaliser.

Enfin, l’idée sous-jacente à la mobilité de vos articulations est simple : votre potentiel de force n’est utilisable dans son intégralité uniquement lorsque vos articulations fonctionnent à leur niveau de souplesse maximum. Ainsi travailler la mobilité de votre colonne, de vos épaules, de vos hanches va avoir un aspect non négligeable sur votre force mais également sur la stabilité de vos articulations.


Éléments structurels et possibilités fonctionnelles

Votre corps se compose d’éléments structurels (les os, muscles, ligaments, tendons etc.) ayant des aptitudes fonctionnelles (votre capacité à contrôler cette même structure). Cette fonction de contrôle est principalement régie par le système nerveux

Petite analogie pour vous aider à comprendre : la structure désigne votre ordinateur et ses composants informatiques, et la fonction son logiciel d’exploitation.

Maintenant imaginons que votre ordinateur ai un problème, cela peut provenir soit du logiciel, soit de l’ordinateur lui-même. L’idée sera la même pour votre corps. Si vos ischio-jambiers sont raides, est-ce un problème de matériel ou de logiciel ? Problème structurel ou fonctionnel ?

Si le problème est structurel, le diagnostic peut sembler aisé : vos ischios sont raides parce qu’ils sont trop courts. À question simple, réponse simple : étirez-vous pour allonger tout ça. Le problème est-il résolu pour autant ? Pas nécessairement, voyons donc pourquoi ;

C’est le système nerveux qui contrôle comment vos muscles se sentent, et comment ceux-ci réagissent à un étirement (si vous vous sentez raide, si l’étirement est douloureux, etc.). Autrement dit, l’une des principales priorités de votre système nerveux est de protéger le corps des lésions tissulaires occasionnées par des chutes, des accidents ou des mouvements qui pourraient aggraver ou causer des blessures (ceci pourrait-être une critique du yoga, à vous de voir…).

Dans le cas d’un étirement des ischio-jambiers par exemple, ce qui, lorsque je cherche à l’étirer, m’empêche d’aller plus loin, c’est la douleur. Ne peut-on envisager que cette douleur serait un mécanisme de protection de mon organisme pour protéger mon genou, qui manquerait de stabilité depuis une vilaine lolotte qui m’aurait endommagé un ménisque ?

On voit bien avec cet exemple la différence entre une approche fonctionnelle et une autre plus structurelle. C’est pourquoi les étirements au sens où nous les concevons sont un sujet qui mérite d’être discuté (cela fera l’objet d’une autre page…). En attendant, un étirement bien conduit est un étirement qui cible intelligemment le système nerveux.

C’est pourquoi l’approche du Feldenkrais, ou celle des étirements de style PNF (Facilitation Neuromusculaire Proprioceptive, PNF en anglais) sont particulièrement intéressants : en utilisant diverses techniques pour « tromper » les réflexes du système nerveux, ils vont permettre une plus grande amplitude de mouvement. La recherche montre que la PNF est la technique d’étirement la plus efficace pour améliorer l’amplitude3.

Dans les faits, certaines méthodes de PNF peuvent être compliquées à mettre en place sans une aide extérieure (physique ou matérielle), néanmoins une méthode simple à réaliser est celle du « contracté-relâché » qui oppose des phases d’étirements de 6 à 8 sec, tout en contractant le muscle ciblé (en poussant contre une résistance par exemple), suivies de phases de relâchement (2-3 sec).


Quelques notes avant de commencer :

• Mettez vous dans un cadre propice : calme et à une température agréable ;

• Ne vous étirez pas directement après l’effort. Attendez au moins 30 minutes, et ne tenez pas les positions trop longtemps. En revanche le lendemain d’une séance (ou quelques heures plus tard) est un moment plus adapté au développement des qualités de souplesse ;

• Étirer un muscle froid est une mauvaise idée, procédez à une activité physique légère pendant 5 à 10 min (c’est le moment de passer l’aspirateur en courant ou de prendre son vélo pour chercher le pain), ou étirez-vous après une douche chaude ;

• Commencez doucement et progressivement, et allez-y lentement ;

• Ne vous étirez pas les avant-bras, les biceps ou les doigts dans les heures qui précèdent un effort (baisse d’influx et de force) ;

• Cherchez à atteindre la position, et tenez 30 secondes, relâchez quelques secondes, puis reprenez la position pendant 30 sec. (et ainsi de suite jusqu’à un total 5 min si votre cas est dramatique) ;

• Pour la méthode PNF, cherchez à atteindre la position, et tenez 6 à 8 secondes, relâchez quelques secondes (2-3), puis reprenez la position pendant 6-8 sec, et répétez si nécessaire ;

• Respirez profondément et de manière régulière ;

• Gardez le dos droit ;

• N’allez pas jusqu’à avoir excessivement mal, ce n’est pas le but ;

• Lorsque vous étirez un muscle, ne forcez pas en bloquant le reste de la chaîne musculaire…

• Commencez par une extrémité (doigts par exemple) et terminez par une autre (doigts de pieds), il est ainsi plus facile de se remémorer votre routine ;

• Comme le reste, soyez régulier : vous allez vous voir progresser, et au moindre écart à votre routine, vous vous retrouverez avec la sensation d’avoir tout perdu. Ce n’est qu’avec le temps que vous arriverez à conserver vos gains (pensez à votre petite sœur qui a fait de la gym quand elle était petite et qui deux décennies plus tard fait toujours le grand écart…)


Un exemple de routine d’étirements

ceci est une proposition (a minima ?)…

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Le yoga est une très bonne alternative, notamment pour vous apprendre à respirer et à vous relâcher. La part de mobilité est importante (c’est une des clefs pour restaurer votre corps après l’intensité de la grimpe). L’apport de la méditation est également très intéressant pour réduire stress et anxiété, et vous apprendre à être à l’écoute de votre corps.

En revanche, si vous abordez votre cours de yoga du point de vue structurel, en essayant de déformer vos muscles, tendons et articulations, afin de ressembler à ces vidéos dont débordent les réseaux sociaux, vous vous écartez probablement de la voie de la souplesse pour vous approcher davantage de celle de la blessure…

Prenez soin d’apprendre les bases (au moins) avec une personne de compétence, autrement, ce sera à vos risques et périls… Une saison de cours (ou davantage) auprès d’un professeur semble tout indiqué, ensuite il sera plus aisé de continuer seul chez soi.

Bon, faites gaffe à vos ménisques quand même…
Dans le cas du yoga, vous pourriez par exemple incorporer à votre routine les postures suivantes :

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Prenez soin de les apprendre correctement, demandez conseil à votre professeur…


  1. Afonso J, Clemente FM, Nakamura FY, Morouço P, Sarmento H, Inman RA, Ramirez-Campillo R. The Effectiveness of Post-exercise Stretching in Short-Term and Delayed Recovery of Strength, Range of Motion and Delayed Onset Muscle Soreness: A Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. Front Physiol. 2021 May 5;12:677581. doi: 10.3389/fphys.2021.677581. PMID: 34025459; PMCID: PMC8133317
  2. ibid
  3. Sharman MJ, Cresswell AG, Riek S. Proprioceptive neuromuscular facilitation stretching
    : mechanisms and clinical implications. Sports Med. 2006; 36(11): 929-39