Quelques règles à respecter avant de démarrer la poutre
– Ne pas être débutant : … mais être au contraire engagé dans une pratique régulière de l’escalade (2 à 3X /sem.) depuis au moins deux ans. Les grimpeurs qui ne sont dans aucun des cas ci-dessus (ou qui ont peu de force à doigts) et qui démarrent la poutre ont tout intérêt à s’orienter d’abord vers un travail sans se lester, le poids de leur corps étant suffisant pour induire des adaptations positives, quitte à réduire la taille des prises si nécessaire (« López-Rivera, E. & González-Badillo, J.J. (2012): «The effects of two maximum grip strength training methods using the same effort duration and different edge depth on grip endurance in elite climbers», Sports Technology).
– Quid de votre technique ? : si vous avez peu de temps à consacrer à l’entrainement, comment considérez-vous votre répertoire gestuel et vos habiletés techniques ? Si vous avez un doute concernant la réponse, pas la peine de perdre du temps à travailler votre force à doigts, mieux vaut utiliser votre temps à bon escient et se contenter pour le moment d’aller simplement grimper.
– Être âgé de 16 ans ou plus : plusieurs travaux scientifiques (Morrison & Schöffl, Schweizer) ont montré l’étroite corrélation entre entrainement intensif des doigts et l’utilisation de la préhension en arquée en période pré-pubère, tous deux menant à différents types de blessures. La période la plus critique étant lors de la poussée de croissance (en moyenne 11-12 ans pour les filles, 13-14 ans pour les garçons), toutefois les risques restent présents tout au long des périodes de développement des cartilages de conjugaison (également appelés cartilages de croissance, ils désignent un cartilage particulier qui permet la croissance en longueur des os longs. Il n’existe que chez l’enfant en pleine croissance).
– Ne pas être blessé : … pas grand chose à rajouter, il semble couler de source que de démarrer un cycle de force à doigts en étant blessé est à peu près la pire idée que vous puissiez avoir (un peu comme démarrer le solo dans votre niveau max – vous allez vous faire mal…).
– Ne pas se blesser : ça aussi, ça paraît bête, et pourtant…
– Pas d’arquée sur la poutre : certaines préhensions présentent un risque de blessure important (lors de la préhension en arquée, la mise en tension des tendons fléchisseurs produit une contrainte d’arrachement des poulies, perpendiculaire à la corde du tendon), elles sont naturellement à éviter.
– Utiliser une position adaptée : pour éviter d’en arriver au point précédent… Épaules engagées, coudes légèrement fléchis, nuque longue, ne pas creuser le dos. Votre corps doit être le plus possible à la verticale sous vos bras.
Une posture adaptée (à lire !)
Pour en savoir plus (en anglais) :
– Préférer la qualité à la quantité : une autre règle de base, qui va à l’encontre du modus operandi de bien des grimpeurs, tient au fait que pour en tirer le maximum d’effets, les séances de force doivent être régulières, courtes et comprenant de longs repos entre les exercices.
La qualité de l’entrainement dépend de sa haute intensité, et non de son volume. C’est un point important à souligner et à rappeler : en matière de force, une séance qualitative, même très courte, apportera davantage de gains qu’une séance longue et de fait, d’intensité moindre. Si vous vous entrainez jusqu’à l’épuisement, vous êtes allés trop loin. Pas la peine d’en arriver là, la force est un travail de qualité, pas de quantité. Vous allez avoir l’impression de ne rien faire, ou presque. C’est normal.
Enfin, les personnes ayant un emploi du temps chargé (travail, fatigue physique ou mentale, stress, pratique d’autres activités) auront davantage de difficultés à développer les adaptations résultant du travail de la force, en particulier les personnes pratiquant régulièrement des exercices d’endurance. Si vous vous sentez concerné, pensez à partager vos entrainements durant la journée (afin d’éviter les sessions de fin de journée où votre corps sera fatigué par le stress et/ou l’activité physique et mentale) et soyez réalistes lorsque vous démarrerez un cycle de force en parallèle d’un train de vie compliqué et/ou usant. Avis aux amateurs de sports d’endurance ou aux stakhanovistes, il peut être intéressant d’envisager de réduire vos séances de moitié (en temps ou en volume) si vous désirez réaliser des gains de force.
– Reposez-vous : comptez un minimum de 48h entre vos séances (voir 72h si votre emploi du temps ou votre régime d’entrainement est intense), deux séances de force max par semaine sont largement suffisantes pour progresser. Comptez une séance par semaine pour maintenir votre niveau.
– De l’importance de s’en tenir au même protocole : comme expliqué précédemment, les dernières années ont vu émerger une pléthore de formes de développement de la force à doigts. Quel que soit celui que l’on choisira pour développer cette qualité, il est nécessaire de fonctionner par cycle et de se tenir à un protocole pendant 4 à 12 semaines avant d’évaluer vous-même si les adaptations attendues correspondent à vos attentes. S’entrainer 2X / semaine pendant 6 semaines représente en tout et pour tout 12 séances, c’est peu, la consistance est donc nécessaire. Peu importe la forme, le temps de suspension exact, le nombre de répétions, le repos etc., toutes ces variables demeurent de moindre importance que votre abnégation : celle d’être régulier dans l’effort et dans la répétition des séances.
Toutefois, le corps s’adaptant en moyenne à un stimulus donné (une méthode d’entrainement spécifique) en 4 à 6 semaines, il est bon de faire varier ce stimulus. Pour ce faire, deux manières sont possibles : changer de protocole toutes les 4-6 semaines, ou simplement changer le volume ou l’intensité d’une séance donnée (5 répétitions plutôt que 3 par exemple).
– À partir de quand puis-je commencer à me lester ? Se lester va exercer sur vos tendons et poulies d’énormes contraintes. Puisque les adaptations sur les tissus spécifiques peuvent mettre plusieurs années à s’opérer, le pré-requis est d’avoir derrière vous au moins 4 ans d’escalade et/ou d’entrainement, d’être majeur, d’avoir déjà fait un cycle complet de poutre non lesté et d’être capable de tenir plus de 40″ sur une réglette de 20 mm et plus de 15″ sur une de 10 mm. Crédit : Eva Lopez
– « Train heavy, redpoint light » : l’escalade dépendant, comme chacun sait, d’un rapport poids/puissance, la question du poids du grimpeur est à juste titre un thème récurent. Il est bon de rappeler qu’il est important de s’entrainer en étant suffisamment alimenté, c’est-à-dire en évitant à tout prix de se trouver dans cette zone dite de « déficit calorique ». Même si être plus léger améliorera en votre faveur ce fameux rapport poids/puissance, on observe sur le long terme des effets contre-productifs à cette méthode. Constamment sous-alimenté et donc en manque de certains nutriments essentiels, le grimpeur qui adopte cette stratégie prend le risque de récupérer plus difficilement, augmentant les risques de blessures potentiels. De plus, les gains de force étant indirects (résultant davantage d’une baisse de son poids), ses effets seront plus difficilement soutenables sur le long terme.
Pour illustrer ceci, l’équipe britannique de Lattice Training s’est intéressée à la corrélation entre poids du grimpeur (utilisant l’IMC – Indice de Masse Corporelle, indice de grandeur entre la taille et la masse corporelle) et le niveau d’escalade des grimpeurs en question. Utilisant la base de données, certes relative, de 8a.nu, ils n’ont trouvé aucune corrélation significative entre IMC et performance.
Pour conclure, même si bien évidemment l’escalade est un sport où le rapport poids/puissance est prépondérant, chercher à tout prix à perdre du poids n’est donc pas une stratégie valable sur le long terme.
– N’oubliez pas les exercices complémentaires : tout travail de force à doigts doit se faire en parallèle d’un travail complémentaire de stabilisation de vos poignets et épaules.
– Une vidéo fort explicative (en anglais) qui résume tout ça : attention, Dave MacLeod est écossais, l’accent est disons, spécial…