Peut-on travailler sa qualité gestuelle sans grimper ?

Rester en forme physiquement sans grimper (ou disons perdre le moins possible de vos capacités physiques) est problématique. Mais ce n’est pas insurmontable

Toutefois, comment continuer la progression gestuelle et technique sans avoir accès à des falaises, blocs ou salles d’escalade ? Peut-on progresser techniquement sans grimper ?

« Progresser sans grimper, c’est régresser »

Progresser sans grimper, c’est aussi régresser. La largeur entre les prises de votre poutre est standard, elle ne varie pas. Vous vous enfermez donc dans un seul modèle de mouvement. Même en vous étirant et en travaillant votre souplesse, si vous ne grimpez pas, vous allez perdre en qualité gestuelle, en précision, en coordination, en agilité et en équilibre. Si vous ne faites que de la poutre, des pompes, des tractions ou la planche, vous allez devenir physiquement fort, mais est-ce que cela va se transposer à votre escalade ? 

Qu’est-ce qui est important : faire 50 tractions ou être capable de déplacer sans effort son centre de gravité vers le haut lorsque vous grimpez ?

Vous devez voir plus loin que juste tirer sur des prises ou se suspendre. Les stimuli ne doivent pas n’être que physiques, ils doivent aussi l’être du point de vue de votre système nerveux central…

Nous pouvons aussi utiliser l’analogie (chère à Udo Neumann) d’un pilote et de sa voiture. Vous pouvez avoir une voiture puissante, mais si vous ne savez pas conduire, vous risquez de finir dans le mur…

Comment continuer ce travail d’acquisition d’habiletés techniques sans pratiquer directement l’escalade ?

Apprendre, c’est d’abord se construire des représentations et ensuite développer des comportements. Le fait que vous ne puissiez pas grimper va vous obliger à favoriser de nouveaux apprentissages moteurs que vous pourrez par la suite transférer dans votre grimpe. Pour se faire dans des conditions optimales, ces apprentissages demandent que vous soyez mentalement disponibles (et disposé.e.s) à apprendre. 

  • Sera bénéfique n’importe quoi qui mettra en jeu votre coordination, votre proprioception, qui sera difficile (pas physiquement, mais en terme d’apprentissage) et qui vous fera sortir de votre zone de confort : apprendre à jouer de la batterie, danser, jongler, sauter à une jambe et tenir en équilibre sur un dictionnaire, etc.
  • Si vous êtes chanceux, vous avez un jardin et une slackline ;
  • Vous pouvez travailler votre mobilité dans le mouvement : sur une balle de gym (medecine ball), mettez-vous à genoux, et essayez d’y tenir en équilibre, en favorisant les mouvements de mobilités initiés par vos hanches. Si cela est trop facile, faites-le une, puis deux mains dans le dos. Faites-le les yeux fermés. Faites-le en jonglant. Partez du sol en planche, pieds sur la balle et essayez de vous rétablir et de monter sur votre balle, et ainsi de suite… Ceci est un exemple, les exercices sur les balles de gym ne manquent pas !
  • Face à une échelle, un escalier, une bibliothèque, travaillez votre pose de pied en cherchant à créer un point de contact de qualité que vous allez maintenir quelques secondes (le temps d’un cycle de respiration complet : inspiration et expiration). Visez cette petite poussière et cherchez à y poser votre orteil le plus précisément possible. La tension est générée du bout de vos doigts à vos doigts de pieds. Faites-le de l’autre côté. Puis sur une marche supérieure. Un bras tendu au dessus de votre tête, puis les deux. Faites-le les yeux fermés. En équilibre sur un oreiller, une balle, une planche de skateboard et ainsi de suite.
  • Variante de la précédente, travaillez votre coordination, votre rythme et votre cardio en faisant de la corde à sauter. Vos placements de pieds doivent être précis et parfaits (prenez des repères visuels au sol). Êtes-vous capable d’être précis en augmentant le rythme ? En fermant les yeux ?
  • Vous pouvez aussi développer toute une série de progression d’exercices, en vous suspendant à une barre à une main et en jouant avec une balle : avec un pied au sol si nécessaire (ou sur une poutre si vous êtes mutants). Lancer, attraper. Jeter face au mur, attraper. Laisser rebondir au sol, attraper, alterner, etc. :
  • Autre variante nécessitant un.e partenaire : vous êtes en suspension à deux mains, votre partenaire vous jette une balle que vous essayez d’attraper entre vos jambes :
  • Enfin, peut-être est-ce le moment de s’intéresser à la méthode Feldenkrais (méthode d’apprentissage sensori-motrice) ;
  • Soyez créatifs, curieux et joueurs !

Voyons maintenant quelques règles pour favoriser ces apprentissages :

  • Soyez dans le présent, conscient de ce que vous faites,  et concentrés. Vous cherchez à percevoir les équilibres ainsi que la position des différentes parties de votre corps, à établir un lien entre l’intention et la perception ;
  • Votre respiration doit être régulière, calme et légère ;
  • Prenez votre temps, favorisez la lenteur et la fluidité, sans forcer, ne pressez pas les apprentissages. Vous cherchez la fonctionnalité et la globalité du mouvement ;
  • Observer des temps de repos lors des phases d’apprentissage permet de favoriser celles-ci.

Ce n’est pas parce que vos mouvements et vos jeux ne sont pas spécifiques à la grimpe qu’ils seront inutiles. Vous voulez créer de nouveaux schèmes moteurs qui seront les parents de vos futures capacités motrices. Le temps passé à apprendre une nouvelle tâche n’est jamais du temps perdu. En raison de la mémoire musculaire, vos sensations reviendront d’autant plus vite une fois sur le caillou !