« There are limitless possibilities when it comes to organizing training. The only real failure you can make is to not organize it at all »
Steve Bechtel – climbstrong.com
En matière de planification, on distingue plusieurs écoles, chacune spécifiant en fait le type de périodisation, à savoir la manière d’organiser votre entrainement dans le temps.
Il n’y a pas de périodisation qui soit meilleure qu’une autre, chacune a ses avantages et ses inconvénients. Chacune aura son intérêt à des périodes différentes de l’année ou de votre vie de grimpeur, selon votre état de forme et le temps que vous pouvez consacrer à l’escalade et à l’entrainement. Quoi qu’il en soit, en plus de l’organisation du travail spécifique, il est entendu qu’on travaillera aussi en parallèle la souplesse, la mobilité, le renforcement des stabilisateurs et muscles antagonistes ainsi que le gainage (je vous renvoie aux chapitres qui y sont dédiés).
Voici un bref aperçu des types de périodisation les plus courants.
La périodisation linéaire
Grosso modo, la périodisation linéaire se construit comme suit : au cours de plusieurs mois (mésocycle), l’entrainement va passer d’un travail de PPG et de volume élevé à une intensité extrêmement élevée mais à faible volume. On passe donc d’un entrainement facile à faible intensité et faible résistance à un entrainement plus complexe et intense. L’idée sous-jacente de cette réduction du volume à mesure que le travail s’intensifie est de soulager la fatigue du système nerveux central et d’accroître la récupération au cours des dernières phases d’entrainement. Ce modèle, qui a pu fonctionner dans certains sports, est à mes yeux inadapté à l’escalade. Le problème est de réussir à conserver vos gains de force. En effet, si vous envisagez un modèle où vous développez la force, puis la puissance avant la résistance, n’espérez pas que ces gains de force, acquis des semaines plus tôt, ne décroîtront pas en fin de mésocycle. Si vous développez la force maximale pendant 2 à 3 mois par an par exemple, il n’y aura aucune amélioration sur le long terme. Chaque saison vous allez simplement retrouver la forme du cycle précédent, mais il n’y aura pas de progression de ce côté-ci. A contrario c’est un système de planification relativement simple à mettre en place.
Toutefois, il existe une forme de périodisation linéaire qui élimine certains des problèmes du modèle classique. Cette périodisation par phases repose sur l’idée de cycles d’entrainement hautement spécifiques qui vont sélectionner une ou deux qualités physiques / filières énergétiques et les entrainer de manière intensive.
C’est ce que propose Eric Hörst avec sa méthode « 4-3-2-1 » (dans son excellent ouvrage Training for Climbing, éd. Falcon) :
- 4 semaines de volume et de travail technique
- 3 semaines de force et puissance
- 2 semaines d’endurance anaérobie
- 1 semaine de repos (pour préparer le pic de forme), avant une période de performance.
Vous pouvez aussi imaginer faire 6 semaines de volume aérobie, 4 semaines de force, 3 semaines de puissance et 2 semaines de résistance etc.
Quoique fort intéressant pour les grimpeurs de niveau intermédiaire, ce type de programme possède à mon humble avis un défaut majeur ; alors que certaines filières / qualités physiques sont travaillées, il y a aussi une totale omission des autres systèmes énergétiques. Tout comme avec le modèle classique (linéaire), au moment d’entrer en phase de performance, les effets de votre cycle de force commenceront déjà à décroître. C’est l’idée que cherche à combattre la périodisation conjuguée.
La périodisation conjuguée
La périodisation conjuguée, chère à Steve Bechtel, cherche à maintenir les autres qualités physiques durant chaque phase. Dans chaque mésocycle, une majeure partie du temps d’entraînement (75%) sera consacrée aux demandes métaboliques du mésocycle en question. Le reste du travail sera consacré au maintien des qualités développées lors des mésocycles précédents. Le but est de chercher au maximum à conserver les modifications de l’état corporel et des capacités motrices après l’arrêt de l’entrainement, et ce au-delà de certaines périodes. Cela signifie par exemple qu’après un cycle de force, un certain niveau de force peut être conservé, et ce même sans être stimulé ou en le stimulant un minimum afin d’en garder les effets.
Quand on regarde de plus près les « effets résiduels de l’entrainement » (Block Periodization: Breakthrough in Sport Training, V. Issaurin, éd. Michael A. Yessis, 2008) propres à chacune des filières énergétiques (30 jours pour la force max, 15 jours pour l’endurance anaérobie et 5 jours pour la puissance) on comprend que la phase de pure performance ne pourra vraisemblablement pas excéder 4 à 5 semaines (en raison du phénomène de désentrainement qui va se produire à cette période…).
Cette forme de périodisation est intéressante pour les grands objectifs, les roads-trips, si vous avez peu de temps pour aller dehors la semaine mais pouvez vous entrainer en soirée etc.
La périodisation concurrente
La périodisation concurrente cherche à entrainer différentes caractéristiques physiques simultanément. Ce modèle sollicite donc toutes les qualités physiques et filières énergétiques identifiées comme clés de la performance et va les travailler en même temps. Mais si elle n’est pas planifiée correctement la périodisation concurrente peut facilement conduire au surentrainement. En conséquence elle s’adresse aux personnes ayant du temps et une bonne base physique. Ses détracteurs soulignent aussi que l’entrainement simultané de plusieurs qualités physiques et filières énergétiques ne permet pas forcément des adaptations optimales, certaines qualités entrant en conflit les unes par rapport aux autres.
En dépit du fait que ces effets sur le long terme vont être moindres, ce type de périodisation présente l’avantage d’aider à maintenir les systèmes énergétiques à un niveau suffisant, permettant ainsi d’être, par exemple, performant chaque week-end. Elle est donc particulièrement adaptée aux personnes s’entrainant en semaine et allant grimper dehors le week-end (les « week-ends warriors »).Vous allez donc devoir soigneusement planifier vos séances et observer suffisamment de repos entre celles-ci. Dans les faits c’est quasi impossible, vous allez donc faire des séances courtes (max 1h30) d’intensité moyenne.
En guise d’exemple pour un falaisiste, cela peut donner :
- Lundi : repos / souplesse
- Mardi : force / puissance
- Mercredi : rési courte
- Jeudi : repos / souplesse
- Vendredi : endurance
- Samedi : repos
- Dimanche : falaise
On pourrait débattre des intérêts et des inconvénients de chaque type de périodisation pendant des heures. En réalité ces modèles ne sont pas si différents, car la majorité des planifications vont mêler ces différents modèles de périodisation. Il n’y a pas de modèle meilleur qu’un autre, mais plutôt un qui sera plus adapté à vos besoins et contraintes qu’un autre.
Il semble que le seul aspect qui bénéficie réellement de cette idée de périodisation soit la résistance longue (puissance aérobie), tous les autres aspects (force max, mobilité, souplesse, endurance générale) pouvant être constamment développés (à des intensités et volumes variables).
Même si cela peut sembler obscur, qu’il existe une pléthore de méthodes, d’exercices miracles, ce n’est pas la peine de chercher à faire compliqué. Ni à en faire trop. Assurez-vous simplement que vous suivez certains principes de base (comme le principe des charges croissantes et progressives par exemple) et n’oubliez pas d’observer des phases de repos adaptées.
→ Pour aller plus loin sur les différents types de périodisation