Un dévers criblé de prises et des blocs à inventer : ce que l’on appelait auparavant « pan » (un concept oublié au profit des salles d’escalade « moderne ») est aujourd’hui en train de devenir un réel phénomène de mode.
Mettons un instant de côté cet aspect insignifiant pour nous intéresser à ce qui compte, l’intérêt (ou non) d’une Moonboard.
Qu’est-ce qu’une Moonboard ?
Inventée par Ben Moon, dépoussiérée d’un local poussiéreux de Sheffield (qui se rappelle des vidéos de Moffat qui fait du Gullich ?), la Moonboard n’est rien de plus qu’un pan « standardisé » : inclinaison de 40°, espacement imposé entre prises, type de prises et orientation, etc.
Vous avez donc différentes séries de prises, orientées et placées de manière arbitraire selon une numérotation qui vous rappelera les vacances chez mémé à jouer à la bataille navale. Si vous suivez, entre une Moonboard à Berlin, celle de mon jardin ou une à Tokyo, il n’y a aucune différence objective (sauf le degré d’humidité relative, certes). Du reste, une application regroupe une base de données où sont répertoriées des milliers de blocs ouverts par des hommes et des femmes du monde entier (de Daniel Woods à Alex Megos en passant par Leo Houlding).
Pour les plus bling bling, vous pouvez même y connecter votre smartphone et illuminer les prises qui concerne le « bloc » choisi via un système de leds. Pour les autres, ça marche aussi sans smartphone en consultant la base de données sur le web et en écrivant le tout sur un papier, mais vous savez bien, la technologie vous simplifie la vie…
(fait hilarant, il semble que l’application pour smartphone soit pleine de bug et vous affiche des 8A+ en les cotant 6A+ !).
Maintenant que vous savez ce qu’est une Moonboard, quels en sont les intérêts ?
Primo, comprenez bien que la Moonboard n’est rien de plus qu’un outil d’entrainement. De par la nature des mouvements, vous n’allez pas apprendre à grimper. Pour résumer, vous êtes dans un dévers à 40°, et vous jetez d’une prises plate à une prise foireuse (ou inversement), vous tenez le balan, et rebelote.
Parmi le panel de prises, on trouve beaucoup de préhensions loufoques en pince, de mauvais tri-doigts, quelques bi-doigts / monos et pas mal de réglettes dont la taille (compte tenu du dévers) vous laissera songeur. Quant à vos pieds, ils servent bêtement à initier les mouvements. Peu de méthodes bizarres à déchiffrer, de lolotte à se péter les ménisques ou de contre-pointes farfelues. Bête et méchant.
Vous avez accès à des milliers de blocs, ce qui en soit est fort motivant pour qui s’entraine seul. Et à la différence d’un pan classique, vous n’allez pas faire des blocs dans votre style si vous suivez la trame imposée par d’autres grimpeurs ou grimpeuses.
Enfin, avec un peu de bricole, vous pouvez facilement vous en construire une dans votre garage ou jardin pour bien moins cher que deux années d’abonnement dans une salle d’escalade moderne (et en plus vous allez pouvoir écouter la musique que vous voulez en grimpant).
Mais surtout, et c’est cela qui nous intéresse ici, s’entrainer sur ce type de support est diablement efficace. Pour les personnes faisant exclusivement de la falaise et qui ont un bon niveau (>7c falaise), rien ne vous fera autant progresser physiquement que d’essayer des mouvement extrêmes sur des prises fuyantes. Utilisé à bon escient, vous pouvez devenir une brute de puissance tout en développant dynamisme, force de contact et un gainage particulièrement adapté à la grimpe. Vous avez bien lu, j’ai écrit diablement efficace.
Et quels sont les inconvénients de la Moonboard ?
Comme expliqué précédemment, la MB est avant tout un outil d’entrainement. Malheureusement, ce n’est pas sur ce support que vous allez apprendre à poser vos pieds. D’ailleurs, c’est bien pire que ça, puisque vous allez probablement oublier que vos pieds peuvent vous servir en escalade…
Secundo, les prises ne sont pas un modèle d’ergonomie : mention spéciale au set « original » (les jaunes) qui a vraisemblablement été conçu par un lobby appartenant à la Clinique de la Main. Une bonne manière de vérifier si votre chirurgie de poulie a été bien faite…
De la même manière, faire de la Moonboard (ou n’importe quel autre type de blocs max) nécessite de savoir vous échauffer en conséquence (et c’est relativement impossible de s’échauffer correctement sur une Moonboard) et de vous arrêter à temps. De la qualité, pas de la quantité. Stakhanov de l’entrainement et amoureux du volume sans repos, passez votre chemin…
Si vous êtes débutant, idem. Un peu comme essayer de rouler la Ferrari de tonton alors que vous venez d’avoir le permis. C’est risqué…
Encore une fois, vous n’allez pas apprendre à grimper sur une Moonboard, et pas dit que de faire du no-foot vous aide beaucoup en falaise dans une dalle en 6b… Les cotations étant lunaires, son intérêt reste fort limité si vous n’avez pas (au moins) le niveau 6c/7a bloc.
En conclusion
Des + :
- style débile (mais tellement efficace) ;
- existe-t’il un meilleur outil pour développer la puissance en escalade ? ;
- facilité d’accès (notamment si vous en fabriquez une chez vous).
Et des – :
- Inadapté à la majeure partie des grimpeurs ;
- Outil à double tranchant : c’est la voie royale pour se blesser (notamment si vous êtes incapable de comprendre quand vous arrêter et vous reposer) ;
- Impossible de s’y échauffer… ;
- Absolument pas technique, donc ne vous apprend pas à grimper : vos pieds poussent et vous équilibrent, de là à parler de technique… ;
- Pas pour tout le monde, et strictement déconseillé aux débutants ,
- Prix des prises… ;
- Ne faire plus que ça, ou pire encore en faire une compétition (MB masters…)
Digression concernant les cotations : après m’être longtemps fait littéralement rouster (certains 7a sont complètement lunaires), comme beaucoup j’ai émis quelques doutes concernant les cotations (pensez-y si vous en construisez une chez vous et que vous n’êtes pas sûr d’avoir le niveau). Donc oui, c’est dur, et loin, très loin de la réalité (sauf si vous êtes déjà une brute rompu aux mouvs en no foot), et au final tant mieux. Explication rapide : les cotations ne veulent tellement rien dire qu’une fois la crise d’ego passé (qui a dit que vos cotations habituelles d’échauffement peuvent devenir des projets ?), plus personne ne pinaille (l’habituel débat « non c’est pas 7a, c’est plutôt 6c+ bla bla bla ») : vous avez compris l’ordre croissant de difficulté, et c’est tout ce qu’il faut retenir. Point barre.