Ce qu’il faut retenir au sujet de la poutre et de la force à doigts en général :
♦ Si vous êtes un grimpeur confirmé, envisagez de faire 2 séances de poutre par semaine, tout en ne dépassant pas plus de 4 jours d’escalade (entrainement compris) par semaine. Une fois que vous avez atteint un niveau suffisant, 1 séance / sem. peut suffire pour maintenir les effets d’un cycle.
♦ Faites court : une séance de poutre devrait rarement dépasser 1h, échauffement compris.
♦ Échauffez-vous ! Respectez les règles des bases d’un bon échauffement (hausse du rythme cardiaque, mobilisation articulaire, échauffement spécifique), et prenez soin de vous suspendre progressivement et de manière répétée sur les bonnes prises, puis moyennes, puis les plus petites. Comptez au moins 30 minutes.
♦ Les tendons de vos doigts vont mettre des mois (voir des années) à s’adapter au stress spécifique de l’escalade. Les adaptations de vos ligaments, cartilages et tendons nécessitent six fois plus de temps que pour vos muscles. Soyez patient !
♦ Prenez 48h à 72h de repos entre les séances.
♦ « Effort Level » (« carácter del esfuerzo », González-Badillo & Gorostiaga, « Fundamentos del entrenamiento de la fuerza. Aplicación al alto rendimiento deportivo », 1993) désigne l’intensité de l’effort (« intensity of effort », Schoenfeld, « Science and Development of Muscle Hypertrophy », Human Kinetics, 2016). Il a été montré qu’entre un exercice à intensité max jusqu’à la défaillance (vous ne tenez plus la préhension) et un autre à intensité similaire, cependant sans aller jusqu’à lâcher prise (par exemple lors d’une suspension lestée vous allez utiliser le même poids mais sans amener la suspension jusqu’à la défaillance) mais en se gardant une légère marge (3″), les gains en matières de forces sont similaires, tout en réduisant bien entendu les risques de blessures, de surentrainement et en facilitant le repos (Davies T., Orr R., Halaki M., Hackett D. : « Effect of Training Leading to Repetition Failure on Muscular Strength: A Systematic Review and Meta-Analysis », Sport Med, 2016).
♦ À intensité max, l’exercice doit être amené jusqu’à la défaillance (vous ne tenez plus les prises) en moins de 12″. Au delà vous n’êtes plus en force max mais vous entrez en anaérobie lactique. L’idéal étant entre 3″ et 10″.
♦ En règle générale le travail des doigts sur poutre est un exercice isométrique. Attention aux « tractions de doigts » qui, en dépit d’être un exercice efficace, mettent d’énormes contraintes sur les poulies (vous faites coulisser vos tendons dans leur gaine alors que l’articulation est sous tension, ça sent la blessure à plein nez, voire la rupture de poulie sur le long terme…).
♦ Lors d’un travail isométrique, les gains de force se produisent approximativement à 20° de l’angle d’articulation entrainé (Kitai & Sale, « Specificity of joint angle in isometric training », European Journal of Applied Physiology 1989), cela doit donc être pris en compte dans votre programme d’entrainement. Par exemple si vous vous entrainez en semi-arqué, ne vous attendez pas à être mutant en pince…
♦ Ce sont généralement vos objectifs ainsi que la taille de votre petit doigt qui vont déterminer votre tendance à utiliser des préhensions en tendu ou en semi-arqué (lorsque le petit doigt est plus court que les autres la préhension en tendu s’apparente plus à un « tri-tendu » et à l’usage on lui préférera souvent la position en arqué ou semi-arqué). Concrètement, il faudrait au moins s’orienter vers un travail en tendu et en semi-arqué afin de couvrir un minimum de possibilités de préhensions.
♦ La taille « idéale » d’une réglette doit être entre 14 et 20 mm, afin de préserver votre peau, de ne pas être trop dépendant de la friction ou d’éviter d’avoir à trop se lester. Cette taille va être constante tout au long de votre cycle (à l’exception de la méthode développée par Eva Lopez).
♦ Quid de se suspendre à un bras ? Il peut arriver un stade où tenir à deux mains une préhension jusqu’à la défaillance et en moins de 12″ demande une telle masse de lest qu’il vous faut demander à votre petite sœur de s’accrocher à votre ceinture. Vous vous posez donc légitimement la question de l’utilité de se suspendre à un bras (en toute logique, cela devrait être deux fois plus dur ; bien vu). Effectivement, cela peut être approprié pour les personnes ayant un niveau de force à doigts conséquent (pour être plus scientifique lorsque vous avez besoin d’un lest correspondant à plus de 60 à 70% de votre poids corporel). Même si cela va soulager votre dos et votre peau, cela induit un changement postural plus difficile à maîtriser (votre attention n’est plus uniquement de tenir la prise, mais aussi d’éviter de se balancer et de tourner, tout en se forçant à garder le coude légèrement fléchi afin de réduire le stress sur les épaules et la nuque). Il y a donc un travail postural à effectuer sur les points précédemment cités ainsi que sur le positionnement de votre épaule.
♦ Mieux vaut-il faire des suspensions lestées max. ou des suspensions sur prises les plus petites possibles ? La méthode qui consiste à utiliser une préhension plus large mais en étant lesté se trouve être plus efficace que la méthode des micro-prises. Il semblerait qu’être lesté provoque une importante activation musculaire ainsi que le recrutement d’unités motrices, ce qui amène à davantage de gains de force qu’avec la seconde méthode (E.López-Rivera & J.J. González-Badillo, » The effects of two maximum grip strengthtraining methods using the same effort duration and different edge depth on grip endurance in elite climbers « , SportsTechnology (2012). Sale, D. G. « Neural adaptation to resistance training », Med. Sci. Sports Exerc, Vol. 20, No. 5, (1988).
♦ Pulpe friction : fait intéressant, il semblerait que plus la taille d’une réglette diminue, plus le facteur limitant sera la quantité de pulpe de vos doigts et non la force de vos tendons (Roger Bourne, et al.; “Measuring Lifting Forces in Rock Climbing : Effect of Hold Size and Fingertip Structure”, Human Kinetics, 2011).
♦ Testez-vous régulièrement et notez vos progrès : prenez une prise type sur votre poutre, et évaluez régulièrement votre niveau sur celle-ci dans des conditions similaires (type de préhension, température, moment de la journée etc.). Par exemple notez la durée de suspension et / ou la masse de lest pour tenir une certaine prise 10 secondes. L’idée est d’avoir un repère objectif de vos progrès ou de votre éventuelle régression (notez que vos progrès ne seront jamais linéaires, il va y avoir des hauts et des bas, soyez patients).