Qui n’a jamais été limité par sa peau en escalade ? Qui n’a jamais dû tourner le dos à son projet, couper court à une série d’essais qui se voulaient fructueux, pour ce qui semble être trois fois rien : le bout des doigts un peu rose ou une petite coupure de rien du tout sur une phalange ?
L’escalade, consistant, comme chacun sait, à tirer sur des prises minuscules et abrasives, un rapport de cause à effet évident va rapidement s’établir. Invariablement, vous allez vous user le bout des doigts. Au choix, vous allez soit affaiblir les couches superficielles de votre épiderme (le bout des doigts rose), ou tout bonnement vous arracher des lambeaux de peau (le fameux « steak », la chair à vif). Et une fois que la douleur va faire son apparition, difficile de tout donner dans vos essais. La souffrance va supplanter le plaisir… Voyons donc comment éviter d’en arriver là.
Comment prévenir, guérir les blessures de la peau, et favoriser sa croissance ?
Cela peut sembler être un détail, pourtant la réalité en est tout autre : avoir une peau en bon état, souple mais solide, est un des facteurs clefs de la réussite en escalade. Que ce soit dans votre projet en bloc, pour ne pas souffrir en tenant ces infâmes lames, en big wall pour enchainer des dizaines de longueurs jour après jour sans trop de douleurs ou simplement pour ne pas transpirer excessivement du bout des doigts, la qualité de votre peau va directement influer sur vos chances de réussite.
Vous allez parfois devoir batailler dur pour garder votre précieux épiderme, mais quelles sont les habitudes qui favorisent la croissance de cette tant convoitée peau sur le bout de vos doigts ?
1. Gardez vos mains hydratées le plus souvent possible
Pour favoriser l’adhérence avec le rocher lorsque vous grimpez, vous allez vous tartiner les doigts de magnésie et donc enlever l’humidité en excès sur vos mains. Néanmoins, afin d’aider au processus de régénération, vos mains doivent être hydratées. Ce qui veut dire que si vous êtes adepte de la magnésie liquide (celle-ci contient de l’alcool qui va s’évaporer rapidement au contact de l’air, débarrassant la peau de son excès d’eau) ou de l’Antihydral, vous allez aussi ralentir la régénération de votre peau !
A contrario, vous cherchez à avoir une peau solide et des mains de travailleur du BTP, pas des doigts à la peau fine et fragile. Votre corps sécrète naturellement un film protecteur lipidique naturel, le sébum. Ce sébum est nécessaire à la régénération de votre peau. Cependant, produits ménagers, gels douche et autres liquides vaisselle vont enlever ce film protecteur. Il en est de même pour l’eau chaude (essayez de nettoyer une poêle grasse à l’eau chaude puis froide, vous verrez bien la différence…). En conséquence, utilisez des savons naturels, baissez la température de vos douches, évitez de passer des heures à laver votre vaisselle et le cas échéant, utilisez des gants !
Utilisez une crème ou un gel hydratant (une nette préférence va à l’aloe vera, de plus vous pouvez facilement en faire pousser chez vous). Rassurez-vous, cela n’affecte EN RIEN les glandes sudoripares de vos mains. En d’autres mots, nourrir sa peau ne vous fera pas transpirer davantage, mais favorisera simplement le processus de guérison.
2. Ayez les mains propres
Vous avez grimpé toute la journée. Vos phalanges distales sont roses d’avoir tant essayé ce bloc en bonne compagnie. Il est probable que cette histoire se termine au bar, mais avant de vous jeter au comptoir, foncez aux toilettes vous laver les mains et enlever toute trace de magnésie (encore une fois, avoir des mains trop sèches ralentit la croissance des tissus en les asséchant).
3. Votre hygiène de vie joue un rôle prépondérant
Comme pour vos tendons et vos muscles, le sommeil, l’alimentation et l’hydratation vont favoriser la guérison de vos tissus.
En ce qui concerne l’hydratation, rien de nouveau, buvez suffisamment d’eau. Buvez avant d’avoir soif, au minimum 1.5 L / jour (au repos). Lors des journées d’entraînement ou d’escalade, vous pouvez facilement doubler cette quantité (contrôlez vos urines, lorsqu’elles sont translucides, vous êtes suffisamment hydraté).
En plus des recommandations d’usage concernant une nourriture variée, équilibrée et adaptée à vos dépenses énergétiques, certains nutriments favorisent la cicatrisation ; la vitamine C, les protéines, le zinc et le nickel. On trouve du zinc dans de nombreuses sources de protéines animales (viandes, fromages, oeufs, fruits de mer etc.), mais également dans les fruits à coque, les aliments céréaliers non raffinés et les légumes secs. Le nickel est présent dans les aliments comme le chocolat, les céréales, les oléagineux, les légumineuses et certains fruits (dépendant surtout de la qualité du sol de culture).
4. Poncez vos doigts !
L’idée d’utiliser du papier à poncer pour vos doigts est simple : vous allez chercher à éliminer toutes les imperfections de vos mains qui pourraient s’accrocher aux aspérités des préhensions, et donc s’arracher. Allez-y doucement (grain 120 ou plus fin).
Soyez intelligents et apprenez à gérer votre peau
Encore une fois, toutes les techniques précédemment citées sont contraignantes. Garder de la peau sur le bout des doigts évitera simplement de se poser la question de comment aider à sa croissance rapide…
De fait, comment faire pour garder votre peau le plus longtemps possible ?
Grimpez à l’ombre ou au frais
Une chaleur ou une humidité excessive réduira l’adhérence et augmentera le côté abrasif du rocher, usant plus rapidement votre peau. C’est un cercle vicieux : plus il fait chaud, plus vous transpirez, plus vos mains sont sensibles, plus vous ré-ajustez incessamment vos préhensions, plus vous usez la peau des doigts. Privilégiez donc la grimpe au frais, à l’ombre et lorsqu’il y a du vent. A contrario, le combo Deep Water Soloing + baignade + soleil + crème solaire sera le pire ennemi de votre épiderme !
Gérez votre peau
Apprenez à vous arrêter à temps. Une fois un certain stade passé il n’y a plus de retour possible ; un à deux jours de repos ne suffiront plus à vous refaire de la peau. En conséquence, mieux vaut prévenir que guérir.
Si vous avez conscience que tel site, falaise ou bloc est particulièrement abrasif (Taghia, Targassonne etc.) et que votre quantité de peau n’est pas illimitée, strappez-vous les doigts avant de grimper ou pour vous échauffer. Cela permettra d’économiser votre peau (le strap se remplace plus facilement – et rapidement – que votre épiderme). Idem en montant les paires dans votre projet… Mieux vaut garder de la peau pour les bons essais, non ?
Pour ce faire, utilisez de fines bandes de strapp (environ 2 mm) et enroulez fermement le tout sur vos dernières phalanges, de l’intérieur de votre main vers l’extérieur. Pour un meilleur maintien, vous pouvez aussi compléter le tout avec une goutte de super-glue. Notez que mettre ce type de colle cyano sur vos doigts (et votre peau) est discutable, à vous de voir…
Comprenez bien que, même si certaines habitudes vont retarder l’usure de votre peau, aucun remède miracle n’existe. Votre peau ne repoussera jamais assez vite pour satisfaire vos besoins (et désirs) de grimpeurs. En dépit d’un marché des cosmétiques « spécial grimpe » en plein essor, stimuler la croissance de la peau en une période très limitée (12-24h) n’existe pas vraiment. De fait, apprendre à préserver votre épiderme est bien plus utile. Et lorsque le mal est fait, la patience sera votre meilleur allié.
Le mal est fait, j’ai un gros steak… Que faire ?
Les cellules de votre peau sont constituées de plusieurs couches qui se développent les unes au-dessus des autres pour maintenir votre barrière cutanée intacte. Lorsque vous avez un steak, la réaction du corps consiste essentiellement à informer les cellules de la peau entourant la peau endommagée. En cas de blessure, de plaie ou steak, les cellules vont cesser de croître verticalement et commencer à croître horizontalement (des bords de la plaie vers l’intérieur, pour refermer celle-ci).
Lorsque les cellules de la peau se rencontrent en son centre (la plaie est refermée), elles vont se reprogrammer pour recommencer à se développer verticalement plutôt que de part en part.
En cas de steak, soyez donc attentif aux facteurs qui favorisent la cicatrisation des tissus : hydratation et alimentation adaptée, environnement de cicatrisation de la plaie humide et propre (un steak doit être couvert jusqu’à qu’il soit fermé).
Désinfectez et nettoyez, puis appliquez du calendula (en crème ou en macérât) sur la plaie et refermez le tout par un pansement approprié que vous changerez régulièrement. Le miel est aussi un puissant cicatrisant naturel !
Enfin, un mélange d’huiles essentielles cicatrisantes composé de lavande vraie, de romarin à verbénone, d’helichryse et de ciste ladanifère (1mL de chacune – environ 30 gouttes – mélangé à une huile vierge comme l’amande douce par exemple). Appliqué de manière régulière, il fera des miracles !